Message de la présidente

Je suis très fière de présenter mon deuxième rapport annuel au Parlement à titre de présidente de la Commission canadienne des droits de la personne.

En réfléchissant au message que je voulais livrer dans ce rapport, plusieurs événements de la dernière année me sont naturellement revenus en mémoire. Des messages haineux visant diverses communautés, des menaces contre des groupes religieux et ethniques, des annonces politiques qui exploitent l’exclusion et la discrimination, de la misogynie visant les femmes qui dénoncent le statu quo. Et puis tous ces événements ont été éclipsés par l’horreur d’une violente fusillade dans une mosquée.

On pourrait penser que ces événements se sont passés ailleurs, pas au Canada — un pays qui a pourtant une bonne réputation pour ce qui est de la diversité, du respect ou de l’ouverture aux autres. Comme un nombre incalculable d’autres Canadiennes et Canadiens, je suis profondément attristée et choquée de voir tout cela se passer dans notre propre jardin — à Toronto, à Edmonton, à Québec. Une attaque contre une communauté est une attaque contre nous tous. Et parce que nous en subissons ensemble les contrecoups, nous devons travailler ensemble à trouver des solutions.

Tandis que ces formes de haine et d’intolérance attirent toute l’attention, l’année a aussi été marquée par des violations des droits de la personne qui font peut-être moins les manchettes, mais qui ont des conséquences tout aussi dévastatrices. Il y a des gens qui n’ont pas d’eau potable ou de domicile sécuritaire dans des réserves autochtones. Il y a des enfants en détention parce que le statut d’immigration de leur famille est en cause. Il y a des enfants qui se suicident parce qu’ils ne peuvent pas obtenir l’aide dont ils ont besoin dans leur communauté.

À la lumière de tant de changements, de tant d’incertitude, de tant de conflits, nous devons plus que jamais faire le choix de nous raccrocher aux valeurs fondamentales d’empathie et de respect. Nous devons choisir de vivre dans un pays qui valorise encore les droits de la personne.

« À la lumière de tant de changements, de tant d’incertitude, de tant de conflits, nous devons plus que jamais faire le choix de nous raccrocher aux valeurs fondamentales d’empathie et de respect. »

Pour y arriver, nous devons faire des choix et montrer que les droits de la personne au Canada ont pour nous une importance qui n’est pas seulement théorique ou symbolique. Une importance réelle, évidente et concrète. Une importance à la mesure des valeurs qui nous unissent et qui étaient au cœur de la fondation de notre pays il y a 150 ans : le Canada est plus fort grâce à sa diversité et non malgré elle. Un Canada où la diversité est une force et non une faiblesse. Notre pays s’est bâti en s’appuyant sur les valeurs communes, le travail acharné et le dévouement de gens de tous les coins du monde — à commencer par les peuples autochtones, en passant par ces immigrants arrivés par vagues pour fonder nos provinces et nos villes, jusqu’à ces réfugiés qui sont venus chez nous pour être en lieu sûr après avoir fui des conflits armés. La population canadienne est très fière que le Canada soit comparé à un phare pour les droits de la personne, mais il nous faut faire preuve de leadership par l’exemple :

  • Nous devons cesser de fermer les yeux devant l’extrême détresse des peuples autochtones dans les réserves et cesser de considérer comme normaux des cas de grave négligence qui seraient inacceptables ailleurs au Canada;
  • Nous devons confirmer notre respect des accords internationaux relatifs aux droits de la personne en investissant dans les institutions vouées à la protection des droits de la personne en territoire canadien;
  • Nous devons une nouvelle fois passer en revue nos lois relatives aux droits de la personne pour veiller à ce qu’elles reflètent les attentes de la population canadienne.
« Le meilleur moyen d’en arriver à ce que les droits de la personne deviennent un jour une réalité pour tous et toutes comme promis, c’est de veiller à ce que tous les enfants aient des chances égales de s’épanouir, quelles que soient leurs difficultés personnelles. »

Nous ne pourrions choisir un meilleur moment pour entreprendre cet exercice puisque nous célébrons cette année le 40e anniversaire de la Loi canadienne sur les droits de la personne, le 35e anniversaire de la Charte canadienne des droits et libertés et le 150e anniversaire de notre pays. Cette année, unissons nos efforts pour rendre ce pays encore plus fort et pour en faire un défenseur encore plus fervent des valeurs liées aux droits de la personne.

C’est dans cette perspective tournée vers l’avenir que nous avons entrepris, dans notre rapport annuel de 2016, d’envisager les droits de la personne au Canada avec des yeux d’enfants — des enfants séparés de leurs parents, des enfants qui veulent exprimer leur identité de genre, des enfants de migrants incarcérés comme des criminels, et des enfants qui vivent jour après jour des difficultés et de l’intimidation à cause de leur déficience.

Le meilleur moyen d’en arriver à ce que les droits de la personne deviennent un jour une réalité pour tous et toutes comme promis, c’est de veiller à ce que tous les enfants aient des chances égales de s’épanouir, quelles que soient leurs difficultés personnelles. Le traitement qu’on leur réserve aujourd’hui déterminera en grande partie le traitement qu’ils réserveront aux autres demain.

Toute l’incertitude et toute l’intolérance auxquelles nous assistons ici et ailleurs dans le monde peuvent facilement nous faire perdre de vue les objectifs que nous nous sommes fixés en tant que pays. La solution est simple : concentrons-nous sur les enfants. Comme l’a dit Nelson Mandela : « Il ne peut y avoir plus vive révélation de l’âme d’une société que la manière dont elle traite ses enfants. »

Réaffirmons ensemble notre souhait d’habiter un pays dont l’âme est ancrée dans le principe que les droits de la personne sont pour tout le monde.

Voilà pourquoi ce rapport annuel est si important pour moi. Nous y présentons des récits biographiques qui sont à la fois tragiques et inspirants. Ils décrivent des périodes de désespoir et d’exclusion vécues par des enfants parmi les plus vulnérables. Pourtant, en nous parlant de ce qu’ils ont vécu, ces jeunes du Canada deviennent des sources d’espoir, de courage et de force. Pour léguer à nos enfants un monde ouvert aux autres, respectueux et empathique, nous avons besoin d’une dose massive d’espoir, de courage et de force. Prenons exemple sur ces enfants qui peuvent nous montrer la voie à suivre.

Signature de la présidente

Marie-Claude Landry, Ad. E.
Présidente